Un sentiment confus d’attirance et d’interrogation nous prend quand nous sommes face aux films de Pascale Guinet. L’artiste puise dans une réserve d’images stéréotypes collant tout autant à des vies privées, des événements familiaux qu’à l’actualité ou à l’histoire. Ce flux d’images est issu d’un jeu de construction, «sampling» de l’inconscient et de l’imagerie collective. C’est pourquoi nous nous laissons porter par ce continuum d’images dont l’esthétisme marqué est parfois poussé à l’extrême comme dans « Kennedy ». Chacune de ces vidéos est titrée comme si ces moments étaient clairement identifiés par leur auteur. On s’y rattache comme touché dans notre propre intimité, dans l’univers que nous nous sommes construits, fait d’images sans consistance et de moments clés d’une vie sociale, de l’histoire. On ne peut voir dans ces films un simple jeu tentant de reconstruire de façon nostalgique les bribes d’un temps perdu. Si nous expérimentons un sentiment troublant face au travail de Pascale Guinet, c’est qu’un principe d’incertitude anime ces sortes de narrations fantôme. L’ambiguïté se pause d’abord sur la question de l’auteur. La reconstitution d’un moi (ou de sa fiction) est-elle possible ? Difficile de cerner quel personnage se dessine derrière ces divers épisodes, archives d’une vie passée. Images souvenir ? documentaires ? fictions ? La singularité d’un moi se dilue dans la multiplicité de ces scènes pouvant aller d’une simple ballade au témoignage soudain d’un fait d’actualité. Pascale Guinet mêle les catégories pour nous mettre face à un jeu de construction aux multiples interprétations. Suffisamment imprécises, suffisamment floues, ces vidéos nous rendent libres de tisser à notre guise les fils d’une fiction d’existence. Ce principe d’incertitude est moteur tout autant que révélateur de la confusion généralisée entre réalité et fiction dans une société du « Real TV » qui pousse la médiatisation de l’intime à l’excès jusqu’à en faire la matière de nos feuilletons quotidiens.

Florence Meyssonnier